Enfanter des mots justes : pourquoi le langage inclusif n’est plus une option mais une nécessité en périnatalité
- Barbara Finck-Beccafico
- 24 sept.
- 4 min de lecture
Les paroles qui soignent ou qui blessent
En périnatalité, chaque mot peut être un baume ou une blessure. En tant que doulas, nous avons un pouvoir immense : celui de nommer justement, d’ouvrir l’espace, d’inclure. Cette démarche passe par nos silences, mais aussi par nos paroles. Nous savons que chaque mot peut évoquer une porte ouverte… ou une porte claquée au visage.
Qui dit pouvoir, dit responsabilité. Et dans notre pratique, fermer une porte, c’est fragiliser un chemin de naissance. C’est fragiliser une parentalité.
Dans ce blog, je vous partage pourquoi l’inclusif n’est pas une coquetterie linguistique mais un enjeu vital en périnatalité et comment, concrètement, l’adopter dans nos pratiques.

Quand l’exclusif devient une violence
Permettez-moi d’être direct·e : arrêtons de faire comme si “femme enceinte” était un terme neutre. Il ne l’est pas. Et chaque fois qu’on s’en contente, on efface une réalité plurielle. Les personnes enceintes existent. Elles sont cis, trans, non binaires, fluides, queer. Elles ont besoin d’être vues, respectées, accompagnées, sans avoir à rééduquer le corps périnatal à chaque interaction.
Adopter une formulation inclusive en périnatalité, ce n’est pas un caprice militant. C’est une pratique fondée sur des données probantes. Les recherches sont claires : quand une personne se sent reconnue dans sa totalité, elle accède mieux aux soins, vit moins de stress et tisse des liens de confiance plus profonds avec les accompagnant·es.
À l’inverse, être confronté·e à un discours genré en permanence augmente la détresse et la déconnexion du soin. C’est une violence obstétricale subtile mais bien réelle : nommer à contre-sens de l’identité d’une personne, c’est une blessure qui reste.
« Mais l’inclusif efface-t-il les femmes ? »
Soyons clairs : non. Dire « personnes enceintes » n’efface pas les femmes, ça les inclut avec d’autres réalités. C’est une logique additive, pas soustractive.
Les études en psychologie sociale sont sans appel: l’usage du langage exclusif crée de l’ostracisme. Les femmes se sentent moins légitimes, moins concernées. À l’inverse, l’inclusif augmente la représentation mentale de tous les groupes, sans faire disparaître personne.
Dire « personnes enceintes », c’est élargir le cercle. On ne gomme pas, on ouvre. On additionne. Ce qui efface, c’est le silence.
Cinq pistes pour intégrer l’inclusif dans ta pratique
Tu veux participer au changement de paradigme ? Voici 5 actions concrètes que tu peux facilement mettre en œuvre dès aujourd’hui, de la plus simple à la plus engagée.
1. Formulations
Utilise des termes neutres ou additifs : “personnes enceintes”, “parents”, “accompagnant·es”. Garde “femmes” et “mères” pour quand c’est pertinent et demandé. La souplesse est la clé : l’objectif n’est pas d’imposer, mais de refléter la réalité de la personne en face de toi.
2. Posture
Présente toi avec tes pronoms, car ça invite l’autre à le faire aussi. Vérifie les termes qu’une personne utilise pour parler de son corps ou de sa parentalité. Ce geste simple dit : « Je te vois, et tu comptes. ».
3. Outils
Révise ton site, tes formulaires, tes publications. Chaque mot, chaque visuel compte. Remplace par exemple “accompagner les futures mamans” par “accompagner les personnes enceintes et leurs familles”. C’est dans le détail qu’un monde se construit.
4. Dialogue
Ose en parler avec tes doulami·es. Explique tes choix, cite les recherches, pour montrer que ce n’est pas une lubie personnelle mais une évolution professionnelle nécessaire. Le changement se normalise quand il est expliqué avec pédagogie et conviction.
5. Formation
Investis dans ton apprentissage. Par exemple, l’AQD, en collaboration avec la Coalition des familles LGBT+, offre une formation dédiée le 29 septembre 2025. Une occasion en or pour aller plus loin et renforcer nos pratiques. C’est l’occasion d’approfondir, de poser des questions, de sortir du flou.

Et toi, quels mots enfantent ta pratique ?
Changer sa manière de parler, c’est déroutant au début. Mais c’est profondément libérateur. Pour celleux que nous accompagnons, et pour nous-mêmes, doulas convaincu·es qu’un accompagnement doit être radicalement humain.
Nos paroles enfantent aussi. Alors, choisissons qu’elles donnent naissance à un monde plus sécuritaire et juste pour toustes.
Et si on faisait de nos mots des outils de révolution douce, mais ferme ?
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Et toi, comment as-tu transformé ton accompagnement pour qu’il soit plus inclusif ? Partage ton expérience dans les commentaires !
Références
Stout, J. G., & Dasgupta, N. (2011). When he doesn’t mean you: Gender-exclusive language as ostracism. Personality and Social Psychology Bulletin, 37(6), 757-769. Harvard University. https://doi.org/10.1177/0146167211406434
Collabra. (2025). Inclusive language and mental representation: Effects of pair forms on gender visibility. Collabra: Psychology, 11(1), 128470. https://online.ucpress.edu/collabra/article/11/1/128470/205959
Pearce, R. (2025). Trans pregnancy and inclusive practice: A guide for perinatal professionals. Routledge.
Young, C. (2021, September 24). What “pregnant people” really means. The Atlantic. https://www.theatlantic.com/politics/archive/2021/09/pregnant-people-gender-identity/620031/
Brotto, L. A., Chou, A. Y., & Singh, A. A. (2022). Gender inclusivity in women’s health research: A call for an additive approach. BJOG: An International Journal of Obstetrics & Gynaecology, 129(7), 1125-1127. https://med-fom-brotto.sites.olt.ubc.ca/files/2022/06/BJOG-2022-Brotto-Gender-inclusivity-in-women-s-health-research.pdf
Pezaro, S. (2025). The harms of sex-based language in perinatal care. Birth: Issues in Perinatal Care, 52(1), 17-25. Wiley Online Library. https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/birt.12844
Le monde des doulas avait besoin de cela aujourd’hui. Merci xxx
Super intéressant! J'adore! Bravo Barbara! ☺️
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MERCI ! 💛
Merci pour cet article si pertinent et juste.